Les révélations autour du programme PRISM provoquent de nombreux débats et réactions. Aux États-Unis bien sûr, où l’information fait scandale, mais également hors des frontières nord-américaines. Ainsi, l’Europe exige des explications, tandis que la France préfère, même si elle est inquiète, s’en remettre aux instances européennes.
Le programme PRISM, filet géant capable de brasser les données personnelles de dizaines ou de centaines de millions de personnes, n’en finit plus de
provoquer des réactions. Aux États-Unis, où le programme a été confirmé, on indique qu’il est un outil essentiel dans la lutte contre le terrorisme. Cela n’empêche pas Google, pourtant l’une des neuf sociétés impliquées, de
demander ouvertement au gouvernement de pouvoir publier les requêtes qui sont envoyées sous couvert de la loi FISA (Foreign Intelligence Surveillance Act). Ces dernières restent en effet pour l’instant secrètes.
L'Europe sur la brèche
Si PRISM provoque une grave controverse et un véritable fiasco sur le plan de la communication, il ne laisse pas indifférent outre-Atlantique.
En Europe, c’est notamment Viviane Redding, vice-présidente de la Commission, qui demande des explications. Dans une lettre adressée au ministre américain de la Justice (et
obtenue par The Guardian), Eric Holder, elle le met en garde contre l’impact négatif qui pourrait rejaillir sur l’ensemble des relations transatlantiques.
Inquiète, elle pointe du doigt autant le programme PRISM que les lois qui ont permis son existence. Elle indique notamment que ce sont les droits fondamentaux des Européens qui sont remis en question. Aussi, le conseil est clair : les données européennes ne devraient jamais pouvoir être accessibles sur les serveurs américains, sauf de manière exceptionnelle dans le cadre d’une enquête.
La lettre contient sept questions directes au sujet du fonctionnement de PRISM et de ses conséquences :
- Le programme est-il dirigé vers les utilisateurs américains, ou prioritairement l’ensemble de l’étranger, y compris l’Europe ?
- L’accès aux données est-il limité à des cas spécifiques, et si oui, selon quels critères ?
- L’accès à la masse des données se fait-il de manière régulière ou occasionnelle ?
- Le périmètre de ces programmes est-il limité à la sécurité nationale ou plus vaste ?
- Quels sont les moyens pour des entreprises américaines ou européennes de refuser la participation à ces programmes ?
- Existe-t-il un moyen pour les utilisateurs européens d’être notifiés de l’accès à leurs données par PRISM ou des programmes équivalents ?
- Ont-ils un moyen de refuser cet accès ?
Tonio Borg, commissaire européen à la santé et à la politique des consommateurs,
parle lui aussi de la préoccupation de la Commission face au scandale de PRISM. Des «
éclaircissements » sont ainsi demandés aussi vite que possible aux États-Unis.
La France inquiète, mais en attente de confirmation
La situation en France est encore floue et laisse essentiellement la place aux questions. La députée Isabelle Attard, dans une lettre ouverte à Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des PME, rappelle que des entreprises comme Google, Microsoft, Facebook ou Apple ont «
lancé une opération de lobbying d’une ampleur inégalée » contre le «
projet de règlement européen sur la protection des données personnelles ». Elle alpague la ministre sur le projet français de loi sur la protection des données personnelles : «
Quand sera-t-il présenté en conseil des ministres ? Quelles mesures prendra le gouvernement pour s’assurer que les entreprises et le gouvernement américains n’accèdent pas à des quantités effarantes de données privées des citoyens français ? ».
Fleur Pellerin
était d’ailleurs ce matin sur Europe 1 et n’était pas spécialement prolixe sur le sujet. Ne souhaitant manifestement pas en dire trop, elle a tout de même fini par convenir que «
c’est inquiétant », tout en ajoutant que les informations dont disposait le gouvernement demandaient «
confirmation ».
Notez qu’un débat avait lieu hier à l’Assemblée nationale sur la question des données personnelles. On y trouvait notamment le journaliste (ainsi que blogueur pour le Monde et rédacteur en chef du Vinvinteur sur France 5) Jean-Marc Manach qui insistait sur la fausseté de l’impression d’anonymat sur Internet. Clouant sur place les médias qui hurlaient au scandale, il a rappelé que la surveillance n’avait rien de nouveau puisqu’elle datait de 1947 et de la mise en place du réseau Echelon. Il n’hésite pas à parler «
d’hystérie collective, politique et médiatique », mais il estime que le scandale permet de remettre au premier plan l’aspect essentiel de la protection de la vie privée. L’intégralité de son intervention, ainsi que les autres, peut être visionnée [url=http://www.assemblee-nationale.tv/chaines.html? media=4384&synchro=1874241]sur le site de l’Assemblée nationale[/url].