Article de la charente libre
Le parler charentais pour les nulsCagouille, since, frairie, embaucher/débaucher, la Charente dispose d’un petit vocabulaire particulier. Ce n’est pas évident pour les novices. Voici quelques indications pour s’y retrouver «dans que pays».
«Là-bas, vous tournez à droite, avant les melons. Sur la place, vous êtes rendus. Ohu, l’est pas écartable!» Un matin à la foire de Rouillac, le 27 de chaque mois, extrait d’âme de la Charente. «Des cartables?», souffle la dame qui s’éloigne vers le distributeur de billets, perplexe.
La Charente a ses mots, son petit vocabulaire, son lexique parfois escarpé. Qui débarque ici peut s’y perdre. Voici donc quelques indications à l’adresse de ceux qui arrivent ou qui passent.
Le Charentais est souvent en retard. Que ce soit de cinq minutes ou de cinquante, c’est toujours d’un quart d’heure. Bien entendu, cette manie-là passe pour une exclusivité locale. Sauf qu’il existe un quart d’heure toulousain, un quart d’heure tourangeau. Un quart d’heure américain aussi, mais rien à voir.
Cela s’applique aussi aux mots. De nombreux termes et expressions sont considérés à tort comme des propriétés charentaises. Mais non, la chocolatine n’est pas un mot d’ici. Elle est depuis l’année dernière dans le Larousse et s’utilise dans tout le Sud-Ouest et au Québec. Même chose pour les drôles et les drôlesses, les biques et les gorets.
En Normandie, on bouine et on se lave la goule aussi. Bien sûr, à Paris, demander une poche surprend la caissière du supermarché; pas à Toulouse. Il mouille à Angoulême, mais aussi à Bordeaux. Dire tantôt pour l’après-midi est un régionalisme populaire connu d’Aragon et Verlaine.
La Charente limite de l’oïl et de l’oc
La Charente n’existe pas. Dessinée comme département après la Révolution, c’est une pure abstraction historique. Elle est tranchée du nord au sud par la limite de l’oïl (à l’ouest) et de l’oc (à l’est). La cartographie linguistique est complexe. En simplifiant, il y a dans le département des territoires de dialectes limousin, marchois et poitevin, mais le saintongeais domine, aussi désigné comme patois charentais.
Le patois local est beau – «Il nen a déralé sa thiulotte»: «Il en a déchiré son pantalon». Il est habité activement, depuis le barde Goulebenèze, par le théâtre et les conteurs populaires ou les inévitables musiciens des Binuchards, emblème benèze du rock cagouille et de la fierté des deux Charentes.
Du patois dérive une multitude diffuse de mots.
Certains sont utilisés couramment par les non-patoisants. Entreprendre une liste serait aussi long que discutable. Le patois, c’est une chose riche et pleine de nuances. Le vocabulaire charentais, une autre. Revenons donc à nos oueilles (moutons). La since est sans doute l’essence du mot charentais. Ni bâche ou wassingue.
Dans le coin, passer la serpillière, c’est sincer. Sur un cœur de demoiselle (sol typique de petites pierres pavées en rosace), ça fait à brasser (beaucoup de travail à faire).
Le «que», boîte à vanne des cagouilles
Le matin, à Coulgens, Vouzan ou Birac, on embauche, le soir on débauche. Une Alsacienne raconte sa frayeur, téléphonant à l’entreprise charentaise de son mari, d’apprendre celui-ci «déjà débauché». «Ce sont des mots du français avec un cas d’usage régional», explique Roland Eluerd. Linguiste, ce Parisien s’est installé en Charente il y a une dizaine d’années. Il a ainsi découvert des mots comme ébouiller, un diminutif d’écrabouiller, la frairie, la fête foraine annuelle des villages du cru, ou encore le nin-nin, version charentaise du doudou des enfants.
Mais pour ce membre de la Société de linguistique de Paris, le plus captivant en Charente, ce sont le «j’ai vu que» (j’ai appris que), le «on est rendu» (on est arrivé), la liaison du «il ont», mais surtout la transformation phonétique du «ce» en un «que» mouillé, écrit thieu en patois. Ah le «que», boîte à vannes des cagouilles. «As-tu vu que gars que béret qu’il a sur que coin de l’œil?» Ou les fameux Monsieur et Madame. Léo, le fils des Quepoteau; traduction: elle est bien grande cette poutre. Et Ophélie, la fille des Quecanapé; littéralement, c’est un clic-clac.
Remplacez les «ce» par des «que», c’est valider sa naturalisation charentaise. En cas de doute, il suffit de demander sa route. Promis, si les indications sont bonnes, le Charentais «l’est pas écartable».
Wikipedia :
"Le saintongeais est une langue romane qui fait partie de la famille des langues d’oïl, qui comprend également le français. Cependant, on l'associe souvent au poitevin, au sein d'un groupe poitevin-saintongeais dans le cadre plus général du domaine du grand ouest qui comprend les dialectes normand, gallo et angevin.
Le saintongeais (saintonjhais) est la langue vernaculaire parlée dans les anciennes provinces d'Aunis, Saintonge et Angoumois. On l’appelle aussi le charentais ou encore le patois charentais. Les locuteurs sont dits patoisants.
Le saintongeais a fortement influencé l’acadien et en conséquence, par “ricochet”, le cadien ; quant au québécois, il a été influencé par les parlers tels que le normand, le francien et le saintongeais1."
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Voilà tout ça pour dire, qu'à la base, la charente (charente et charente maritime) c'est un seul et même pays, alors on se calme !!!